Marche
J'écris mes chansons
en marchant. Dès que je m'arrête et que je me colle à un bureau, je
m'endors ... Quand on marche, le cerveau fonctionne mieux. Mon frère
était guide de montagne et m'emmenait souvent avec lui. J'aime ce côté
inutile et romantique de la marche, la joie que ça procure quand on
rentre crevé, c'est idiot, ça ne sert à rien et on est très heureux.
Comme Rimbaud, Jacques Lanzmann, ou Stevenson et son âne. A l'époque de
la vitesse, des moteurs, de la folie du monde, la marche, c'est un peu
faire de la résistance. Se retrouver face à face avec la nature. Je ne
sais plus quel chef sioux disait qu'il ne fallait pas trop s'éloigner
de la nature parce que sinon le coeur s'endurcit. C'est aussi le thème
de ma chanson La Vie Théodore, dédiée à Monod. Je ne l'ai
malheureusement jamais rencontré, mais ce mélange de rudesse,
d'ascétisme et de mysticisme me fascinait. A notre époque, un homme
aussi simple, qui dort dans une tente avec pour tout trésor une bible
et un cahier pour noter les brindilles et les pierres qu'il rencontre,
je trouve ça admirable.
Alain Souchon
Télérama n°2901 - 17 août 2005